Claire RENARD
EVEIL MUSICAL
Le choix même de l'expression éveil musical pour désigner la nouvelle direction dans la pédagogie musicale à partir des années septantes, était révélateur d'une appréhension differente du phènomène musical et de son passage d'une génération à l'autre.
L'éveil musical était né de la conjonction d'une évolution des schèmas compositionnels dus, entre autres, à un appareillage instrumental nouveau, à une remise en cause du rôle du compositeur dans le fait musical, d'une meuilleure connaissance des musiques extra-européennes et d'une demande émanant d'un public longtemps resté éloigné de la pratique musicale et pour lequel ces nouveaux moyens compositionnelles (pensée et instrumentarium) facilitent l'accès à la création musicale.
Par l'intermédiaire des médias, l'oreille occidentale est confrontée à toutes sortes de formes musicales. De quoi est constitué l'essentiel, le "musical" ? Les expériences d'éveil musical tentent à leur manière et par leur pratique de répondre à cette question.
En effet, parallèlement à l'enseignement traditionel qui a pour base le travail sur la note définie par sa hauteur et sa durée, on voit se multiplier des approches ayant pour point de départ le matériau premier et universel, le son vivant et réel, perçu par l'oreille dans sa complexité.
Au lieu d'entrer dans la musique par un système abstrait lié à une notation précise mais intermédiaire entre l'oreille et le son, l'éveil musical se propose, par l'expérience personnelle du jeu direct avec le son, de rendre perceptibles les éléments fondamentaux constitutifs de la musique. Retrouver le geste musical premier à travers des formes et des matériaux contemporains est bien le propre de l'éveil musical. Le participants ne répètent pas un alphabet préétablit mais sont aux prises avec les sons, les expérimentant, les jouant, les organisant ou les structurant dans le temps et dans l'espace. Explorant et faisant vivre ainsi la musique en eux, ils tirent les notions essentielles à sa compréhension: écoute, mémoire, sens du temps, repères dans l'espace musical. Du concret (jeux avec la voix ou avec les instruments), ils font émerger l'abstrait, une structurele musicale.
L'éveil musical aide à déceler ce qui est potentionellement musical en nous et dans notre environnement, à découvrir la musicalité latente que la plupart des phénomènes portent en eux. Cette pédagogie, si elle a pour but de faire prendre conscience du "musical" , par la pratique du jeu avec le son, ne peut le faire qu'en travaillant déjà au niveau compositionnel. C'est à chacun, concrètement, de faire des choix pour mettre en relation timbres et mouvements sonores d'une manière précise, pour décider de la structure d'un jeu, de la couleur sonore d'une improvisation. explorer la durée à travers la sonorité jouée par son propre geste, appréhender le phénomène de l'organisation musicale à partir de ces fondements dans l'expérience concrète permet non seulement de mieux comprendre les oeuvres du passé mais aussi d'accéder à la création musicale proprement dite.
Deux tendances principales semblent se partager le territoire de l'éveil musical.
L'une fait surtour appel aux technologies nouvelles; c'est le cas des pédagogies d'éveil directement axées sur l'utilisation de matériels électroacoustiques (bandes magnétiques) et de sources digitaux (l'usage de l'ordinateur musical).
L'autre est plutôt liée à une conception renouvelée de la perception musicale et à son incidence sur l'apprentissage de la musique. Dans la musique l'individu perçoit prioritairement le mouvement: succession de notes ou dynamiques sonores à hauteurs multiples. Par exemple, d'une suite de cinq notes frappées en crescendo, un enfant retiendra l'évolution dynamique (le crescendo) et non le nombre de notes jouées.
Dans le répertoire de sons à partir de multiples sources (bruits concrets, sons instrumentaux, pausages sonores, sons électroniques), le musicien sélectionne, compare, à l'oreille, les qualités et les composantes de ces sons. Grâce à certains appareils comme les filtres, le compositeur - musicien peut modifier l'apparence de ces sons en leur donnant profils et timbres de son choix. Dans le studio électroacoustique original, c'était un travail solitaire.
Avec le GMEBOGOSSE (< click) précurseur des synthétiseurs et synthétiseurs contemporains dans un contexte de l'éducation, on pouvait se faire à plusieurs. Cet appareillage spéciallement conçu pour l'éveil musical (par le Groupe de Musique Expérimentale de Bourges), a permis à la disposition de chaque "joueur" un enregistreur , un synthétiseur et un système de filtres. Le gmebogosse permettait toutes sortes de jeux musicaux d'écoute, de mémoire, de structuration à partir de sons enregistrés.
Aujourd'hui , la technologie a élevé la popularisation du Gmébogosse d' une manière spectaculaire.
Avec l'informatique aussi, il est demandé à l'apprenti-musicien de faire oeuvre compositionnelle. Que le son soit issu du tracé du geste comme dans le dispositif de l' UPIC (< click) de I. Xenakis, ou qu'il soit déjà programmé sous forme de blocs de notes qu'on peut agencer les uns avec les autres sur ordinateur, l'éveil musical se situe au niveau de l'organisation même des sons.
L'éveil musical portera donc surtout sur la sonorité et l'agencement des dynamiques sonores d'ou pourront naître des structures musicales. A partir des jeux d'écoute, il s'agira de repérer dans les différentes composantes du son, celles qu'on a envie de mettre en évidence (travail sur les hauteurs, durées, intensités, timbres, grains, masses, etc.). Parallèlement, à partir de dispositifs d'improvisation, on mettra en jeu des idées musicales. Ainsi les "joueurs" seront directement confrontées à la relation entre la structure et le tissu formant cette structure. Le dispositif n'étant en effet qu'un schéma, il leur faudra, pour le rendre vivant et musical, le remplir de sonoritées (voix, sons instrumentaux, électroniques, bruits, etc.) qui le feront exister. A cette occasion, les "joueurs" pourront éprouver leur sens du temps musical dans leur choix de mélanges et d'enchaînements sonores.
Cette pratique de l'éveil se fait en général en groupe: le nombre permet des inventions de masses et volumes sonores impossibles à réaliser individuellement; il est surtout l'occasion de réactions immédiates aux propositions des uns et des autres, favorisant un important travail d'écoute et de choix musicaux. L'éveil musical, ainsi mis en oeuvre, ouvre non seulement à l'invention mais aussi à une connaissance du fait musical dans son ensemble.
© Claire RENARD
Voir: Propos sur l'éveil musical (p. 108-109 ) Dans: Guide de l' exposition : L'oreille oubliée (1982, Centre Pompidou).
MusicAnd BASICS
Website: http://musicpedagogy.weebly.com/
L'éveil musical était né de la conjonction d'une évolution des schèmas compositionnels dus, entre autres, à un appareillage instrumental nouveau, à une remise en cause du rôle du compositeur dans le fait musical, d'une meuilleure connaissance des musiques extra-européennes et d'une demande émanant d'un public longtemps resté éloigné de la pratique musicale et pour lequel ces nouveaux moyens compositionnelles (pensée et instrumentarium) facilitent l'accès à la création musicale.
Par l'intermédiaire des médias, l'oreille occidentale est confrontée à toutes sortes de formes musicales. De quoi est constitué l'essentiel, le "musical" ? Les expériences d'éveil musical tentent à leur manière et par leur pratique de répondre à cette question.
En effet, parallèlement à l'enseignement traditionel qui a pour base le travail sur la note définie par sa hauteur et sa durée, on voit se multiplier des approches ayant pour point de départ le matériau premier et universel, le son vivant et réel, perçu par l'oreille dans sa complexité.
Au lieu d'entrer dans la musique par un système abstrait lié à une notation précise mais intermédiaire entre l'oreille et le son, l'éveil musical se propose, par l'expérience personnelle du jeu direct avec le son, de rendre perceptibles les éléments fondamentaux constitutifs de la musique. Retrouver le geste musical premier à travers des formes et des matériaux contemporains est bien le propre de l'éveil musical. Le participants ne répètent pas un alphabet préétablit mais sont aux prises avec les sons, les expérimentant, les jouant, les organisant ou les structurant dans le temps et dans l'espace. Explorant et faisant vivre ainsi la musique en eux, ils tirent les notions essentielles à sa compréhension: écoute, mémoire, sens du temps, repères dans l'espace musical. Du concret (jeux avec la voix ou avec les instruments), ils font émerger l'abstrait, une structurele musicale.
L'éveil musical aide à déceler ce qui est potentionellement musical en nous et dans notre environnement, à découvrir la musicalité latente que la plupart des phénomènes portent en eux. Cette pédagogie, si elle a pour but de faire prendre conscience du "musical" , par la pratique du jeu avec le son, ne peut le faire qu'en travaillant déjà au niveau compositionnel. C'est à chacun, concrètement, de faire des choix pour mettre en relation timbres et mouvements sonores d'une manière précise, pour décider de la structure d'un jeu, de la couleur sonore d'une improvisation. explorer la durée à travers la sonorité jouée par son propre geste, appréhender le phénomène de l'organisation musicale à partir de ces fondements dans l'expérience concrète permet non seulement de mieux comprendre les oeuvres du passé mais aussi d'accéder à la création musicale proprement dite.
Deux tendances principales semblent se partager le territoire de l'éveil musical.
L'une fait surtour appel aux technologies nouvelles; c'est le cas des pédagogies d'éveil directement axées sur l'utilisation de matériels électroacoustiques (bandes magnétiques) et de sources digitaux (l'usage de l'ordinateur musical).
L'autre est plutôt liée à une conception renouvelée de la perception musicale et à son incidence sur l'apprentissage de la musique. Dans la musique l'individu perçoit prioritairement le mouvement: succession de notes ou dynamiques sonores à hauteurs multiples. Par exemple, d'une suite de cinq notes frappées en crescendo, un enfant retiendra l'évolution dynamique (le crescendo) et non le nombre de notes jouées.
Dans le répertoire de sons à partir de multiples sources (bruits concrets, sons instrumentaux, pausages sonores, sons électroniques), le musicien sélectionne, compare, à l'oreille, les qualités et les composantes de ces sons. Grâce à certains appareils comme les filtres, le compositeur - musicien peut modifier l'apparence de ces sons en leur donnant profils et timbres de son choix. Dans le studio électroacoustique original, c'était un travail solitaire.
Avec le GMEBOGOSSE (< click) précurseur des synthétiseurs et synthétiseurs contemporains dans un contexte de l'éducation, on pouvait se faire à plusieurs. Cet appareillage spéciallement conçu pour l'éveil musical (par le Groupe de Musique Expérimentale de Bourges), a permis à la disposition de chaque "joueur" un enregistreur , un synthétiseur et un système de filtres. Le gmebogosse permettait toutes sortes de jeux musicaux d'écoute, de mémoire, de structuration à partir de sons enregistrés.
Aujourd'hui , la technologie a élevé la popularisation du Gmébogosse d' une manière spectaculaire.
Avec l'informatique aussi, il est demandé à l'apprenti-musicien de faire oeuvre compositionnelle. Que le son soit issu du tracé du geste comme dans le dispositif de l' UPIC (< click) de I. Xenakis, ou qu'il soit déjà programmé sous forme de blocs de notes qu'on peut agencer les uns avec les autres sur ordinateur, l'éveil musical se situe au niveau de l'organisation même des sons.
L'éveil musical portera donc surtout sur la sonorité et l'agencement des dynamiques sonores d'ou pourront naître des structures musicales. A partir des jeux d'écoute, il s'agira de repérer dans les différentes composantes du son, celles qu'on a envie de mettre en évidence (travail sur les hauteurs, durées, intensités, timbres, grains, masses, etc.). Parallèlement, à partir de dispositifs d'improvisation, on mettra en jeu des idées musicales. Ainsi les "joueurs" seront directement confrontées à la relation entre la structure et le tissu formant cette structure. Le dispositif n'étant en effet qu'un schéma, il leur faudra, pour le rendre vivant et musical, le remplir de sonoritées (voix, sons instrumentaux, électroniques, bruits, etc.) qui le feront exister. A cette occasion, les "joueurs" pourront éprouver leur sens du temps musical dans leur choix de mélanges et d'enchaînements sonores.
Cette pratique de l'éveil se fait en général en groupe: le nombre permet des inventions de masses et volumes sonores impossibles à réaliser individuellement; il est surtout l'occasion de réactions immédiates aux propositions des uns et des autres, favorisant un important travail d'écoute et de choix musicaux. L'éveil musical, ainsi mis en oeuvre, ouvre non seulement à l'invention mais aussi à une connaissance du fait musical dans son ensemble.
© Claire RENARD
Voir: Propos sur l'éveil musical (p. 108-109 ) Dans: Guide de l' exposition : L'oreille oubliée (1982, Centre Pompidou).
MusicAnd BASICS
Website: http://musicpedagogy.weebly.com/